lundi

du remplissage



Ce sont des rendez-vous que je lui fixe implicitement en allant en cours tous les jours.
Quand il n'est pas là je passe mon temps à parler de lui et puis quand il débarque je me tais, l'ignorant presque. Pourtant à l'intérieur je brûle d'un mélange d'amour et de conscience de la mort, comme à chaque fois qu'une chose agréable se produit, ou que j'en vois une.
Et sa vision m'est beaucoup plus qu'agréable.
J'aimerais à la fois en savoir plus sur lui et tenter une approche mais ce n'est pas trop mon genre.
Ce mystère qui l'entoure et cette frustration de quitter chaque soir le lycée sans avoir susciter son intérêt me font l'effet d'une chanson triste sur laquelle je n'aurai pas eu le temps de pleurer. C'est jouissif et dramatique. C'est mon fardeau romantique que j'embarque avec moi dans le métro. C'est ce que ma soeur ne soupçonne pas quand je lui parle de ma journée.

Au contrôle d'espagnol il était assis tout seul devant moi, il était beau, tellement mignon que je me suis mise à penser que rien qu'avec cette vision je pouvais pondre un roman de 300 pages, c'était une ressource inépuisable de sensations.
Il était là, assis de sorte à ce que je puisse le regarder, pas complètement face à sa table, de profil et concentré, tellement concentré qu'il ne devait plus penser à rien -ni aux filles ni à lui. Comme si déjà à 16 ans il avait eu la sagesse de renoncer à ça, aux french kiss et aux seins cachés sous les pulls mi-coton mi-acrylique des nanas de sa classe.
Il a suffit que la sonnerie retentisse pour que tout le monde reprenne ses esprits, y comprit moi, qui n'avait bredouillé que 5 phrases dans un espagnol approximatif, n'ayant même pas pris la peine de les écrire sur une copie double.
Durant l'heure il s'était retourné pour me demander un mot à traduire et à la fin il m'a juste dit, en voyant ma copie : "t'aurai pu faire du remplissage".
Cette phrase a raisonné dans ma tête toute la journée, je tentais d'y déceler un sens caché, un message personnel, mais je n'y ai trouvé qu'un conseil bienveillant à mon égard et ça m'a suffit.




Une bouteille de Taillefine Fiz aux fruits rouges, de la glace au chocolat, de la pop suédoise, des raisins et une séance de cinéma en soirée de Control pour me consoler jusqu'au cours prochain.
J'aimerai que ce soit interminable, cette jeunesse et cette admiration (pour ne pas dire amour) secrète qui l'accompagne, les chansons de Jens Lekman que je n'écoute pas encore avec nostalgie, sa voix douce comme le goût de l'eau qui me fait penser à lui.

Je suis revenue silencieusement du cinéma , le caoutchouc de mes Vans tapant sur l'asphalte, réajustant mon écharpe toutes les deux minutes.
J'avoue avoir pleuré un peu tout à la fin du film juste parce que c'était la réalité.
Une fois chez moi j'ai fini la bouteille de Taillefine, pris une douche, enfilé mon pyjama, allumé la télé, éteint toutes les lumières, dit bonne nuit à ma mère et je me suis enfoncée dans mon lit en attendant le sommeil. Avant je la regardais beaucoup, maintenant je n'aime plus trop la télé, c'est beaucoup trop marquée dans le temps pour me convenir, je préfère pratiquer des activités jusqu'à l'épuisement et ne pas subir les caprices horaires du PAF.
Le lendemain je n'avais qu'une heure de cours et l'eau avait été coupée dans toute la résidence, j'ai donc décidé de ne pas y aller et je me suis rendormie avec le soleil qui transperçait la fenêtre, les rideaux, et mes paupières.
Promis, la prochaine fois je ferai du remplissage.

4 commentaires:

Julien Verkest a dit…

Il veut te remplir la chatte de sperme. Le message caché est celui-là. Ou alors je ne comprends rien à rien.

Murielle Joudet a dit…

ta gueule crétin

Pierre a dit…

Bon dieu mais Crayon va mourir, tu ne comprends rien.. je vis la même chose avec une fille en ce moment... c'est terrible, beau et douloureux à la fois, ya pas de mots pour décrire ça.. bravo à l'auteur du texte :)

Caroline Baudin a dit…

je passe un bon moment à te lire,
continue.