samedi

"écris dans un livre ce que tu vois"



Emile et papa sont au Liban pour les vacances, je me retrouve seule avec ma mère et ma soeur, chacune dans son coin, moi toute seule dans ma chambre, elles au salon avec les ordinateurs, le téléviseur et leurs discussions. Le monde s'est comme arrêté : il n'y a plus de courrier, je m'imagine qu'il est 22h quand il est 01h du matin, la maison est silencieuse, nous nous réveillons toutes les trois très tard, je fais ma vie, je les croise rarement, je dîne seule, ma mère ne fait plus à manger, ma mère ne fait plus les courses, elle croit que les restes de Noël nous feront le mois. je retourne dans ma chambre lire ou regarder des DVDs, parfois je tente de prendre le thé avec elle mais elle ne m'accorde pas un seul regard, elles sont sur leurs ordinateurs et je pars dans ma chambre avec ma tasse.
Aux alentours de 16h je dis à ma mère que je sors avec mes amies filles, que nous allons au cinéma ou nous promener, parfois c'est vrai, parfois c'est un mensonge et je suis en réalité avec un garçon. Elle me demande à quelle heure je compte rentrer, je tente d'être sincère alors je lui dis que je ne sais pas et que je l'appelerai, mais que je ne tarderai pas.
Parfois je rentre avant 20h, parfois à 22h, parfois à 19h et je peux alors diner en face de ma soeur et bavarder avec elle, nous nous prêtons nos nourritures. Elle trouve aussi que cette période de l'année est bizarre et spéciale.
Je retourne dans ma chambre, l'ordinateur télécharge des films sans arrêt, la chaine hifi est allumée avec une chanson mise en pause depuis des heures, mon halogène ne marche plus alors je fonctionne avec la lampe de mon bureau et celle de ma table de chevet qui éclaire chacune une partie de la chambre, je ne regarde plus du tout la télé ni les informations et quand il m'arrive d'apprendre une nouvelle du monde c'est que cela s'est produit par accident, en écoutant la radio, en entendant LCI de loin. mes cadeaux sont encore sur mon bureau, certains encore sous blister, les habits sur mon lit gênent la libre circulation de mes jambes. des jeans, des paquets de t-shirt mous, des petites serviettes de bains, des bouquins et des magazines.
c'est le moment où je me dis qu'il ne reste plus rien du passé, seule la tristesse se maintient.

jeudi



Dans les magasins de fringues il y a les robes à sequins et des pochettes de soirée qui dissimulent derrière elles les grosses écharpes et les pulls qui boulochent sur place. Les robes pour le réveillon, les pulls pour le froid du quotidien.

Chez virgin il y a les étalages de coffret dvd et de beaux livres, les queues interminables pendant les pauses déjeuner des working girl et boy, les "pourrais-je avoir une pochette cadeau s'il vous plait?", les gens qui prennent un panier pour le remplir de culture comme au supermarché, les dvds et livres achetés par kilo, parfois avant de rentrer chez moi je vais au centre commercial trouver des cadeaux pour ma famille, mon baby sitting me permet d'avoir les moyens de ma générosité.

A Courbevoie il y a la décoration un peu déprimante et maladroite sur les arbres et les réverbères, cette manie de décorer que la moitié la plus visible du sapin par souci d'économie c'est vraiment très triste.

Quand je rentre chez moi il y a les images mouvantes des écrans télé que je distingue à travers les rideaux des foyers, ce sont mes vitrines de Noël et je les préfère largement à celles des grands magasins, les immeubles excessivement décorés pour le grand concours des décorations organisés par la ville - d'ailleurs je me demande s'il y a vraiment des critères d'esthétique et d'harmonie où si ce sera la façade la plus clinquante qui l'emportera -, mes lèvres dures et gelées que j'essaye d'enfouir dans mon écharpe et tout le monde à l'air de faire ça et on ne distingue plus que des demi-visages dans la rue, il y a aussi les odeurs délirantes d'aliments riches qui proviennent des traiteurs, comme si niveau alimentation c'était noël tous les jours.

Chez moi il y a un modeste sapin qu'on a décoré sans conviction et qui clignote tout le jour et toute la nuit sans interruption avec quelques cadeaux un peu en dessous, ils ont des formes mystérieuses et des papiers cadeaux dépareillés.il y a emile qui ne veut plus la PS2, myriam qui ne sait toujours pas ce qu'elle veut et moi qui sait précisément ce qui me ferait plaisir.un jour je suis rentrée chez moi et mon duffle coat noir était maculé de petits points blancs, il avait neigé un peu.

vendredi

Les vendredis soirs



La semaine est passée, les cours et les contrôles, les siestes et les nuits blanches, la mal bouffe de lycéenne qui refuse de manger à la cantine, les douches brûlantes pour se réchauffer tout les soirs et matins, les actualités, le marque pages qui avance sensiblement dans le gros pavé que représente American Psycho, les blogs lus, les sacs de cours changés tous les jours, la presse gratuite, la presse payante, les séances de cinéma improvisées, les films à la télé, les cheveux lavés autant de fois qu'il y a de jours dans la semaine, le parapluie cassé, le bus et le métro, les cours où on écoute pas, les cours où on écoute, les profs qui nous détestent, les blagues, les livres qu'on prête , la crème hydratante et le Dermophil indien, le thé, le coca light, le lait et le café, le Nureflex, les mouchoirs de poche, la musique en format mp3, les carottes rapées en format individuel, l'expo Courbet avec la classe, le bac blanc, les films téléchargés, les albums écoutés au Virgin entre deux cours, et le baby-sitting pour boucler tout ça.
je reviens le vendredi soir en mille morceaux, Emile et Myriam mangent de la salade par terre au salon devant la Star Academy et pas loin du sapin qui clignote sans interruption depuis qu'il est installé. je souffle une dernière fois et je pose ma besace et mon manteau gris sur le premier support venu, j'ai une dalle de malade, il me faut de la bouffe et mon ordinateur, je checke tout ce qui est checkable sur le net tout en me bourrant de salades et de biscottes et en écoutant la radio. le chauffage est allumé au max, ma chambre est aussi chaude que mon front et je souhaite passer mon vendredi soir à ne rien faire, si possible sur internet, si possible sur msn jusqu'à 3 heures du matin, avec un film en pause sur VLC. il me manque forcément quelque chose mais je ne souffre pas, je suis dans la vie et cette idée suffit à m'émouvoir, sur Word j'ai une liste de mille choses à accomplir.